Un écrivain allemand sur les relations anglo-allemandes (1914)

Dans 1914, l’écrivain militaire allemand, le général Friedrich von Bernhardi, a parlé d’une guerre imminente. Dans cet extrait, il décrit la relation anglo-allemande en difficulté:

L'Angleterre s'est récemment associée à l'Alliance franco-russe. Elle a conclu un arrangement en Asie avec la Russie par lequel les sphères d'influence des deux parties sont délimitées, tandis qu'avec la France, elle a conclu une intention claire de supprimer l'Allemagne en toutes circonstances, si nécessaire par la force des armes ...

Cette politique de l'Angleterre est, à l'examen superficiel, peu compréhensible. Bien sûr, les industries et le commerce allemands ont récemment fait des progrès stupéfiants, et la marine allemande atteint une force qui mérite le respect. Nous sommes certainement un obstacle aux projets que l'Angleterre poursuit en Turquie asiatique et en Afrique centrale. Cela peut être désagréable pour les Anglais du point de vue économique aussi bien que politique et militaire. mais, d'autre part, la concurrence américaine dans le domaine de la politique commerciale est bien plus vive que celle des Allemands… Pourtant, malgré toutes ces considérations, l'hostilité des Anglais est avant tout dirigée contre nous.

L'hostilité envers l'Allemagne est également suffisamment évidente dans d'autres domaines. Le but de l'Angleterre a toujours été de maintenir un certain équilibre des pouvoirs entre les nations continentales de l'Europe et d'empêcher l'une d'entre elles d'atteindre une suprématie prononcée. Alors que ces États se sont paralysés et se sont empêchés de jouer un rôle actif sur la scène mondiale, l'Angleterre a eu l'opportunité de poursuivre ses propres objectifs sans être perturbés et de fonder cet Empire mondial qu'elle détient maintenant. Cette politique qu'elle poursuit encore, tant que les puissances de l'Europe se lieront les mains, sa propre suprématie est incontestée.

Il en découle directement que le but de l'Angleterre doit être de réprimer l'Allemagne, mais de renforcer la France; car l'Allemagne est actuellement le seul Etat européen qui menace de conquérir une position dominante; mais la France est sa rivale née et ne peut rester à égalité avec son plus fort voisin de l'Est, à moins qu'elle ne complète ses forces et ne soit aidée par ses alliés. Ainsi l'hostilité contre l'Allemagne, de cet aspect également, est basée sur les intérêts les plus importants de l'Angleterre, et nous devons la traiter comme axiomatique et évidente.

Dans ces conditions, la situation de l’Allemagne est extraordinairement difficile. Nous avons non seulement besoin, pour le plein développement matériel de notre nation, à une échelle correspondant à son importance intellectuelle, d'une base politique étendue, mais, comme expliqué dans le chapitre précédent, nous sommes obligés d'obtenir de l'espace pour notre population croissante et des marchés pour nos produits. industries en croissance. Mais à chaque pas que nous ferons dans cette direction, l’Angleterre s’opposera résolument à nous. La politique anglaise n’a peut-être pas encore pris la décision définitive de nous attaquer ; mais il souhaite sans doute, par tous les moyens, même les plus extrêmes, empêcher toute expansion ultérieure de l'influence internationale allemande et de la puissance maritime allemande.

Les objectifs politiques reconnus de l'Angleterre et l'attitude du gouvernement anglais ne laissent aucun doute sur ce point. Mais si nous étions engagés dans une lutte contre l'Angleterre, nous pouvons être sûrs que la France ne négligerait pas l'occasion d'attaquer notre flanc. L'Italie, avec son long littoral, même si elle est toujours membre de la Triple Alliance, devra consacrer d'importantes forces à la défense de la côte pour résister aux attaques de la flotte anglo-française de la Méditerranée et ne pourra ainsi que employer des forces plus faibles contre la France. L'Autriche serait paralysée par la Russie ; contre ces derniers, nous devrions laisser des forces à l'Est. Nous devrions ainsi mener la lutte contre la France et l'Angleterre pratiquement seuls, avec une partie de notre armée, peut-être avec un certain soutien de l'Italie.

C’est dans cette double menace maritime et continentale européenne que réside le grave danger pour notre position politique, puisque toute liberté d’action nous est enlevée et toute expansion interdite.