Livre blanc de Dean Acheson sur la Chine (1949)

Dean Acheson (1893-1971) était un avocat américain ayant exercé les fonctions de secrétaire d’État des États-Unis entre 1949 et 1953. Dans 1948 et 1949, Acheson et Harry Truman ont été soumis à des critiques cinglantes pour avoir permis Mao Zedong et les communistes pour prendre le dessus en Chine. Acheson a répondu en publiant un `` livre blanc '' de 1,054 pages intitulé Relations entre les États-Unis et la Chine, avec une référence particulière à la période 1944-49. Publié début août 1949, il décrivait la situation en Chine, expliquait en détail la participation et l'aide des États-Unis aux Chinois et suggérait les raisons de l'échec du gouvernement nationaliste chinois:

«J'ai compilé un compte rendu de nos relations avec la Chine, un accent particulier étant mis sur les cinq dernières années. Ce compte rendu est en cours de publication et sera mis à la disposition du Congrès et du peuple des États-Unis… C'est un témoignage franc d'une période extrêmement compliquée et des plus malheureuses de la vie d'un grand pays auquel les États-Unis sont depuis longtemps attachés par liens d'amitié la plus proche…

Au début du 20e siècle, la force combinée de la surpopulation et des nouvelles idées a déclenché cette chaîne d'événements que l'on peut appeler la Révolution chinoise. C'est l'une des révolutions les plus imposantes de l'histoire enregistrée et son issue et ses conséquences sont encore à prévoir ...

Les représentants de notre gouvernement, militaires et civils, qui ont été envoyés pour aider les Chinois à poursuivre [la Seconde Guerre mondiale] ont vite découvert que la longue lutte avait sérieusement affaibli le gouvernement chinois, non seulement militairement et économiquement mais aussi politiquement et moralement ... il est évident pour nous que seul un gouvernement chinois rajeuni et progressiste, capable de retrouver la loyauté enthousiaste du peuple, pourrait et ferait une guerre efficace contre le Japon…

Lorsque la paix est venue, les États-Unis ont été confrontés à trois alternatives possibles en Chine: ils auraient pu sortir le verrou, le stock et le baril; il aurait pu intervenir militairement à grande échelle pour aider les nationalistes à détruire les communistes; [ou] il pourrait, tout en aidant les nationalistes à affirmer leur autorité autant que possible sur la Chine, s'efforcer d'éviter une guerre civile en œuvrant pour un compromis entre les deux parties…

Le deuxième objectif, celui d'aider le gouvernement nationaliste, nous l'avons poursuivi avec vigueur de 1945 à 1949. Le gouvernement national était le gouvernement reconnu d'une puissance amie. Notre amitié, et notre droit en vertu du droit international, appelaient à notre aide au gouvernement plutôt qu'aux communistes, qui cherchaient à le subvertir et à le renverser ...

Les raisons de l'échec du gouvernement national chinois… ne découlent d'aucune insuffisance de l'aide américaine… Le fait est que la décadence que nos observateurs avaient décelée… au début de la guerre avait fatalement sapé les pouvoirs de résistance du Guomindang. Ses dirigeants s'étaient révélés incapables de faire face à la crise à laquelle ils étaient confrontés, ses troupes avaient perdu la volonté de se battre et son gouvernement avait perdu le soutien populaire.

Les communistes, au contraire, par une discipline impitoyable et un zèle fanatique, ont tenté de se vendre comme gardiens et libérateurs du peuple. Les armées nationalistes n'ont pas eu à être vaincues, elles se sont désintégrées. L'histoire a prouvé à maintes reprises qu'un régime sans foi en lui-même et une armée sans moral ne peuvent survivre à l'épreuve de la bataille ...

Le fait malheureux mais incontournable est que le résultat inquiétant de la guerre civile en Chine échappait au contrôle du gouvernement des États-Unis. Rien de ce que ce pays a fait ou aurait pu faire, dans les limites raisonnables de ses capacités, n'aurait pu changer ce résultat; rien de ce qui a été laissé de côté par ce pays n'y a contribué. C'était le produit des forces chinoises internes, des forces que ce pays a essayé d'influencer mais ne pouvait pas… »