Le général von Moltke sur le plan Schlieffen (1911)

Le chef d'état-major de l'armée allemande, le général Helmuth von Moltke, a fait ces commentaires sur le plan Schlieffen dans un mémorandum de 1911:

On peut supposer avec certitude que la prochaine guerre sera une guerre sur deux fronts. De nos ennemis, la France est la plus dangereuse et peut se préparer le plus rapidement. Les comptes doivent être réglés avec elle très rapidement après le déploiement. Si la défaite des Français est obtenue rapidement et de manière décisive, il sera également possible de rendre des forces disponibles contre la Russie.

Je suis d'accord avec l'idée de base d'ouvrir la guerre par une offensive forte contre la France tout en restant d'abord sur la défensive avec des forces faibles contre la Russie. Si une décision rapide est recherchée contre la France, l'attaque ne doit pas être dirigée exclusivement contre le front oriental fortement fortifié de ce pays. Si, comme on peut s'y attendre, l'armée française reste sur la défensive derrière ce front, il n'y a aucune chance de percer rapidement; et même une percée exposerait l'armée allemande, ou les sections qui l'ont fait, à une attaque de flanc des deux côtés.

Si l’on veut affronter l’ennemi à découvert, il faut déborder la ligne frontière fortifiée. Ceci n'est possible qu'au moyen d'une avance via la Suisse ou la Belgique. La première rencontrerait de grandes difficultés et, en raison de la défense des routes de montagne, prendrait beaucoup de temps. D'un autre côté, un débordement réussi des fortifications françaises aurait l'avantage de forcer l'armée française vers le nord. Une avancée à travers la Belgique forcerait les Français à rentrer dans leur intérieur. Il faut néanmoins la privilégier, car on peut y compter sur des progrès plus rapides. On peut compter sur une dispersion rapide des forces belges, quelque peu inefficaces, à moins que l'armée belge ne se retire sans bataille vers Anvers, qu'il faudrait alors boucler.

Il est évidemment important que, pour avancer à travers la Belgique, l'aile droite soit aussi forte que possible. Mais je ne peux pas accepter que l'enveloppement exige la violation de la neutralité néerlandaise en plus de la neutralité belge. Une Hollande hostile à nos côtés pourrait avoir des conséquences désastreuses sur l'avancée de l'armée allemande vers l'ouest, surtout si l'Angleterre utilisait la violation de la neutralité belge comme prétexte pour entrer en guerre contre nous. Une Hollande neutre assure nos arrières, car si l'Angleterre nous déclare la guerre pour avoir violé la neutralité belge, elle ne peut pas elle-même violer la neutralité néerlandaise. Elle ne peut pas enfreindre la loi même pour laquelle elle part en guerre. De plus, il sera très important d'avoir en Hollande un pays dont la neutralité nous permettra d'avoir des importations et des approvisionnements. Elle doit être la trachée qui nous permet de respirer.

Aussi maladroite qu'elle soit, la progression à travers la Belgique doit donc se faire sans violation du territoire néerlandais. Cela ne sera guère possible que si Liège est entre nos mains. La forteresse doit donc être prise immédiatement. Je pense qu'il est possible de le prendre par un coup de main. Ses forts saillants sont si mal situés qu'ils ne négligent pas le pays intervenant et ne peuvent pas le dominer. J'ai fait une reconnaissance de toutes les routes qui les traversent dans le centre de la ville, qui n'a pas de remparts. Une avancée à plusieurs colonnes est possible sans qu'elles soient observées depuis les forts. Une fois que nos troupes sont entrées dans la ville, je crois que les forts ne la bombarderont pas mais capituleront probablement.

Tout dépend d'une préparation minutieuse et de la surprise. L'entreprise n'est possible que si l'attaque est effectuée immédiatement, avant que les zones entre les forts ne soient fortifiées. Elle doit donc être entreprise par des troupes permanentes dès que la guerre est déclarée.