Un écrivain allemand sur la Triple Alliance (1914)

Dans 1914, l’écrivain militaire allemand, le général Friedrich von Bernhardi, a parlé d’une guerre imminente. Dans cet extrait, il décrit la situation et les faiblesses de la Triple Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie et Italie):

Nous voyons les grandes puissances européennes divisées en deux grands camps. D'un côté, l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie ont conclu une alliance défensive dont le seul objet est de se prémunir contre une agression hostile. Dans cette alliance, les deux premiers États forment le noyau solide, probablement incassable, puisque par la nature des choses ils sont intimement liés. Les conditions géographiques obligent à ce résultat.

Les deux États réunis forment une série compacte de territoires de l'Adriatique à la mer du Nord et à la Baltique. Leur union étroite est également due à des conditions historiques nationales et politiques. Les Autrichiens ont combattu côte à côte avec les Prussiens et les Allemands de l'Empire sur cent champs de bataille; Les Allemands sont l'épine dorsale des dominions autrichiens, le lien d'union qui unit les différentes nationalités de l'Empire ...

Les faiblesses de l’empire autrichien résident dans son puissant mélange d’éléments slaves hostiles à la population allemande et montrant de nombreux signes de nationalisme slave. Toutefois, il n’est pas assez puissant pour définir la position politique de l’Empire.

L'Italie est également liée à la Triple Alliance par ses véritables intérêts. L'antagonisme avec l'Autriche, qui a traversé l'histoire italienne, s'atténuera lorsque les besoins d'expansion dans d'autres domaines et de créer un canal naturel pour la population croissante seront pleinement reconnus par l'Italie.

La faiblesse de cette alliance réside dans son caractère purement défensif. Elle offre une certaine sécurité contre une agression hostile, mais ne tient pas compte du développement nécessaire des événements… Bismarck, dans ses «Pensées et réminiscences» a souligné que cette alliance ne correspondrait pas toujours aux exigences du futur. Depuis que l'Italie a constaté que la Triple Alliance n'aidait pas sa politique méditerranéenne, elle a tenté de conclure un accord pacifique avec l'Angleterre et la France et s'est effectivement retirée de la Triple Alliance.

La Triple Alliance, qui en elle-même représente une ligue naturelle, a subi un choc brutal. La raison ultime de ce résultat se trouve dans le fait que les parties concernées par une politique étroite et à courte vue ne regardent que leurs intérêts privés immédiats et ne prêtent aucune attention aux besoins vitaux des membres de la ligue. L'alliance ne retrouvera sa force d'origine que lorsque, sous la protection des armées alliées, chacun des trois États pourra satisfaire ses besoins politiques…

Il semble que sur le continent européen, la puissance de la Triple Alliance et celle des États unis contre elle par alliance et par accord s'équilibrent - à condition que l'Italie fasse partie de la ligue. Si l'on prend en compte l'inattendu, dont on ne peut que deviner le poids, la balance s'incline légèrement en faveur de la Triple Alliance. D'un autre côté, l'Angleterre domine incontestablement la mer. En raison de sa supériorité navale écrasante lorsqu'elle est alliée à la France, et des conditions géographiques, elle peut causer le plus grand dommage à l'Allemagne en coupant son commerce maritime ...

Il existe également une armée non négligeable disponible pour une guerre continentale. Lorsque toutes les considérations sont prises en compte, nos adversaires ont une supériorité politique à ne pas sous-estimer. Si la France réussissait à renforcer son armée avec des troupes coloniales et une puissante force de débarquement anglaise, cette supériorité serait également affirmée sur terre. Si l'Italie se retire réellement de la Triple Alliance, des forces nettement supérieures seront unies contre l'Allemagne et l'Autriche.