Lloyd George sur les objectifs de la guerre britannique (1918)

Prenant la parole en janvier, 1918, le Premier ministre David Lloyd George a résumé les objectifs de la guerre britannique et les conditions requises pour que Londres accepte la paix:

Nous pouvons commencer par dissiper certains malentendus et déclarer ce pour quoi nous ne nous battons pas. Nous ne menons pas une guerre d'agression contre le peuple allemand. Leurs dirigeants les ont convaincus qu'ils menaient une guerre de légitime défense contre une ligue de nations rivales prêtes à la destruction de l'Allemagne. Ce n'est pas le cas. La destruction ou la perturbation de l'Allemagne ou du peuple allemand n'a jamais été un objectif de guerre avec nous, depuis le premier jour de cette guerre à ce jour.

Très réticents, et en fait très préparés, à la terrible épreuve, nous avons été forcés de participer à cette guerre en légitime défense. Pour défendre le droit public européen violé et défendre l'obligation contractuelle la plus solennelle sur laquelle repose le système public européen et sur laquelle l'Allemagne avait impitoyablement piétiné l'invasion de la Belgique, nous devions participer à la lutte ou à la position de côté et voir l'Europe sombrer et la force brute triompher du droit public et de la justice internationale. Ce n’est que la réalisation de cette terrible alternative qui a poussé le peuple britannique à la guerre.

Et ils n’ont jamais dévié de cette attitude originelle. Ils n’ont jamais visé l’éclatement des peuples allemands ni la désintégration de leur Etat ou de leur pays. L'Allemagne occupe une position importante dans le monde. Nous ne souhaitons ni n’avons l’intention de remettre en question ou de détruire cette position pour l’avenir, mais plutôt de la détourner des espoirs et des projets de domination militaire et de la voir consacrer toutes ses forces aux grandes tâches bienfaisantes du monde. Nous ne luttons pas non plus pour détruire l’Autriche-Hongrie ou pour priver la Turquie de sa capitale, ou des terres riches et renommées d’Asie Mineure et de Thrace, qui sont majoritairement de race turque.

Nous ne sommes pas non plus entrés dans cette guerre simplement pour modifier ou détruire la constitution impériale de l'Allemagne, tout comme nous considérons cette constitution militaire et autocratique comme un anachronisme dangereux au XXe siècle. Notre point de vue est que l'adoption d'une constitution vraiment démocratique par l'Allemagne serait la preuve la plus convaincante qu'en elle le vieil esprit de domination militaire était bel et bien mort dans cette guerre, et nous faciliterait beaucoup la conclusion d'une large démocratie démocratique. paix avec elle. Mais, après tout, c'est une question que le peuple allemand doit décider…

La première exigence [de paix] posée par le gouvernement britannique et ses alliés a été la restauration complète, sur les plans politique, territorial et économique, de l’indépendance de la Belgique, ainsi que des réparations susceptibles d’être apportées pour la dévastation de ses villes et provinces. Il ne s’agit pas d’une demande d’indemnité de guerre, comme celle imposée à la France par l’Allemagne en 1871. Ce n’est pas une tentative de transférer le coût des opérations de guerre d’un belligérant à un autre, ce qui peut être défendable ou non. Ce n'est ni plus ni moins qu'une insistance sur le fait que, avant qu'il puisse y avoir aucun espoir d'une paix stable, cette grande violation du droit public européen doit être répudiée et, dans la mesure du possible, réparée. La réparation signifie la reconnaissance. À moins que le droit international ne soit reconnu par une insistance sur le paiement du préjudice subi au mépris de ses principes, il ne pourra jamais devenir une réalité.

Vient ensuite la restauration de la Serbie, du Monténégro et des régions occupées de la France, de l’Italie et de la Roumanie. Le retrait complet des armées étrangères et la réparation de l'injustice sont une condition fondamentale de la paix permanente.

Nous entendons soutenir la démocratie française jusqu'à la mort dans la demande qu'ils font de reconsidérer le grand tort de 1871, lorsque, sans égard aux vœux de la population, deux provinces françaises furent arrachées du côté de la France et incorporées. dans l'Empire allemand. Cette plaie a empoisonné la paix de l'Europe pendant un demi-siècle et, tant qu'elle ne sera pas guérie, des conditions saines n'auront pas été rétablies. Il ne peut y avoir de meilleure illustration de la folie et de la méchanceté d'utiliser un succès militaire passager pour violer le droit national ...

La démocratie de ce pays signifie être à la hauteur des démocraties française et italienne et de tous nos autres alliés. Nous serons fiers de nous battre jusqu'au bout côte à côte avec la nouvelle démocratie de la Russie, de même que l'Amérique et la France et l'Italie. Mais si les dirigeants actuels de la Russie agissent de manière indépendante de leurs alliés, nous n’avons aucun moyen d’intervenir pour arrêter la catastrophe qui frappe assurément leur pays. La Russie ne peut être sauvée que par son propre peuple.

Nous pensons toutefois qu'une Pologne indépendante, composée de tous les éléments véritablement polonais qui souhaitent en faire partie, est une nécessité urgente pour la stabilité de l'Europe occidentale.

De même, bien que nous soyons d'accord avec le président Wilson sur le fait que l'éclatement de l'Autriche-Hongrie ne fait pas partie de nos objectifs de guerre, nous pensons qu'à moins qu'une véritable autonomie sur de véritables principes démocratiques ne soit accordée aux nationalités austro-hongroises qui le désirent depuis longtemps , il est impossible d’espérer l’élimination de ces causes de troubles dans cette partie de l’Europe qui ont si longtemps menacé sa paix générale…

Enfin, les dommages causés en violation du droit international doivent être réparés. La Conférence de paix ne doit pas oublier nos marins et les services qu'ils ont rendus, et les outrages qu'ils ont subis pour la cause commune de la liberté… À ces conditions, l'Empire britannique accueillerait la paix; pour garantir ces conditions, ses peuples sont prêts à faire des sacrifices encore plus grands que ceux qu'ils ont encore endurés.