Morgan Philips Price (1885-1973) était un journaliste britannique qui travaillait comme correspondant étranger en Allemagne au début de la période de Weimar. Il est ensuite devenu député représentant le Parti travailliste. Ici, écrivant en mars-avril 1920, Price décrit la situation à Berlin pendant l'échec de Kapp putsch:
[18 mars]
«Nous vivons maintenant à Berlin sans lumière, sans gaz ni eau. Le nouveau gouvernement est pris comme un rat dans un piège. Il est de plus en plus clair que ce n'est pas seulement contre les partis travailliste, socialiste et démocratique, mais que de larges pans de la bureaucratie moyenne et inférieure résistent passivement ...Un socialiste éminent de Scheidemann m'a dit ce matin que le retour à l'ancien état des choses après le renversement du gouvernement Kapp est impossible. Je viens de voir une proclamation de grève générale en Silésie signée par des bourgeois et des socialistes, par des centristes catholiques et des communistes.
D'un autre côté, il ne faut pas s'attendre à ce que le nouveau gouvernement abandonne sans lutte et il bénéficie d'un soutien considérable parmi les classes moyennes et paysannes sans instruction en Poméranie, en Allemagne du Nord et en Prusse orientale. La propagande antisémite est une méthode par laquelle elle tente de se rendre populaire parmi les éléments sombres et ignorants de la population. Dans la rue où je vis, il y a un juif-appâteur notoire qui s'est engagé depuis un certain temps dans la fabrication de matraques en caoutchouc pour les pogroms.
[30 mars]
«Ce matin, le gouvernement a lancé un ultimatum aux travailleurs de la Ruhr pour qu'ils désarment et dissolvent les comités ouvriers dans les 24 heures. Dans un discours prononcé aujourd'hui au Reichstag, le nouveau ministre de la Guerre, Gessler, a justifié cette action en faisant allusion à la «terreur rouge» à Duisburg et dans d'autres villes de Westphalie… Un rapport que je viens de recevoir de la Ruhr que les travailleurs de tous les partis politiques là-bas ne déposera pas les armes sans des garanties absolues que la Reichswehr et la police de sécurité ne seront pas envoyées dans les bassins houillers.
[6 avril]
«Les informations de la Ruhr montrent que dans la plupart des villes règnent la pêche et l'ordre, mais dans certaines parties de la zone neutre [inoccupée] il y a des bandes irresponsables contre lesquelles les socialistes locaux de toutes les nuances agissent. L'existence de ces groupes donne à la junte Junker juste l'excuse pour laquelle elle veut marcher dans la Ruhr. Le gouvernement de Berlin est dans un état d'indécision impuissante et ses porte-parole officiels font des déclarations contradictoires… »
[15 avril]
«Il y a eu une consolidation régulière des forces de réaction de l'Allemagne pendant la semaine Kapp. Les personnes derrière l'aventure Kapp, bien que vaincues en surface, ont gagné en dessous. C'est particulièrement le cas en Allemagne du Sud. En Bavière, même les socialistes majoritaires ont été isolés du gouvernement, qui ne dépend désormais plus que des partis de droite.