Ernest Hemingway sur la faible valeur du mark (1922)

Le célèbre auteur Ernest Hemingway a travaillé comme correspondant européen pour le Toronto Daily Star après la Seconde Guerre mondiale. Lors d'une visite dans le sud-ouest de l'Allemagne en septembre 1922, Hemingway observe des étudiants français qu'il décrit comme des « pirates de l'échange » traversant la frontière allemande pour profiter de la faible valeur du mark :

"Il n'y avait pas de notes à avoir à Strasbourg - le change croissant avait nettoyé les banquiers il y a quelques jours, alors nous avons changé de l'argent français à la gare de Kehl.

Pour 10 francs, j'ai reçu 670 marks. 10 francs équivalaient à environ 90 cents en monnaie canadienne. Ces 90 cents ont duré, Mme Hemingway et moi, pendant une journée de grosses dépenses et à la fin de la journée, il nous restait 120 marks !

Notre premier achat provenait d'un stand de fruits… Nous avons choisi cinq très belles pommes et avons donné à la vieille femme un billet de 50 marks. Elle nous a rendu 38 marks en échange. Un très beau monsieur à la barbe blanche nous a vu acheter les pommes et a levé son chapeau.

« Pardon, monsieur, dit-il assez timidement en allemand, combien coûtaient les pommes ? J'ai compté la monnaie et lui ai dit 12 points. Il sourit et secoua la tête. « Je ne peux pas le payer. C'est trop."

Il remontait la rue en marchant un peu comme les vieux messieurs à barbe blanche de l'ancien régime marchent dans tous les pays, mais il avait regardé les pommes avec beaucoup d'envie. J'aurais aimé lui en offrir.

Douze marks, ce jour-là, équivalaient à un peu moins de deux cents. Le vieil homme, dont les économies de toute une vie étaient probablement, comme le sont la plupart des classes non profiteuses, investies dans des obligations allemandes d'avant-guerre et de guerre, ne pouvait pas se permettre une dépense de 12 marks. Il est le type de ceux dont les revenus n'augmentent pas avec la baisse de la valeur d'achat du mark...

Les Français ne peuvent pas venir acheter toutes les marchandises bon marché qu'ils voudraient, mais ils peuvent venir manger... Ce miracle de l'échange fait un spectacle porcin où les jeunes de la ville de Strasbourg se pressent dans la pâtisserie allemande pour se manger malade et se gaver de tranches de gâteau allemand moelleuses et remplies de crème à cinq marks la tranche. Le contenu d'une pâtisserie est balayé en une demi-heure...

Le propriétaire et son aide étaient hargneux et ne semblaient pas particulièrement heureux lorsque tous les gâteaux étaient vendus. La marque tombait plus vite qu'ils ne pouvaient cuire.

Pendant ce temps, dans la rue, un drôle de petit train cahotait, ramenait les ouvriers avec leurs seaux de dîner jusqu'aux abords de la ville, les automobiles des profiteurs s'arrachaient en soulevant un nuage de poussière qui se posait sur les arbres et les façades de tous les bâtiments, et à l'intérieur de la pâtisserie, de jeunes voyous français ont avalé leurs derniers gâteaux collants et des mères françaises ont essuyé la bouche collante de leurs enfants. Cela vous a donné un nouvel aspect de l'échange.