Bilan de la CIA sur la situation à Cuba (1962)

Au début du mois d’août 1962, plus de deux mois avant la crise des missiles cubains, la CIA a présenté un rapport confidentiel sur la situation politique, économique et militaire à Cuba:

Le problème

«Analyser la situation à Cuba et estimer les perspectives pour l'année prochaine, en se référant en particulier à la relation de Castro avec les communistes et au potentiel de résistance à son régime.

Conclusions

«Fidel Castro a affirmé sa primauté dans le communisme cubain: les« vieux »communistes ont dû s'accommoder de ce fait, tout comme l'URSS. D'autres tensions peuvent se développer dans ces relations, mais il est peu probable qu'elles rompent les liens d'intérêt mutuel entre Castro et les «vieux» communistes et entre Cuba et l'URSS.

Par la force des choses, l’URSS est de plus en plus résolue à préserver et à renforcer le régime de Castro. L'URSS a toutefois évité tout engagement formel de protéger et de défendre le régime dans tous les cas de figure.

Les forces armées cubaines sont fidèles à la direction personnelle des frères Castro. Leurs capacités ont été et sont grandement améliorées par la fourniture d'équipements et d'instructions militaires par le bloc soviétique. Les capacités militaires cubaines sont cependant essentiellement défensives. Nous pensons qu'il est peu probable que le bloc [soviétique] fournisse à Cuba la capacité d'entreprendre d'importantes opérations militaires indépendantes à l'étranger. Nous pensons également qu'il est peu probable que les [Soviétiques] stationneront à Cuba des unités de combat de quelque nature que ce soit, du moins pour la période de cette estimation.

Les forces armées cubaines sont à même d’intimider la population en général et de réprimer toute insurrection populaire susceptible de se développer dans les circonstances actuelles. Ils sont probablement capables de contenir et de contrôler toute menace contre le régime par une action de guérilla et de repousser toute invasion, à moins d'une intervention militaire directe des États-Unis.

L'économie cubaine est en grande difficulté, en partie à cause de l'embargo américain et de la pénurie conséquente de devises convertibles, en partie à cause d'une mauvaise gestion agricole et industrielle. Malgré les mesures correctives, il est peu probable que la production agricole et industrielle puisse augmenter de manière significative d'ici un an environ…

Le régime de Castro conserve le soutien positif d'environ 20% de la population, mais la désaffection augmente. Cette tendance se manifeste par une résistance passive croissante et par des manifestations ouvertes occasionnelles de ressentiment. Rares sont cependant ceux qui osent accepter les risques d’une résistance active organisée dans les circonstances actuelles, de peur de l’appareil massif de surveillance et de répression du régime…

Le régime Castro cherche toujours à mener la révolution «inévitable» dans toute l'Amérique latine, mais sa préoccupation pour les problèmes internes tend à limiter son activité à cet égard. En Amérique latine, il y a une désillusion généralisée concernant la révolution cubaine. Néanmoins, des groupes militants pro-Castro existent dans plusieurs pays… L’attrait de l’exemple cubain augmentera en Amérique latine si la réforme est en retard et si les espoirs et les promesses ne sont pas tenus. »