Pétition de scientifiques contre les armes atomiques (1945)

En juillet 1945, 70 scientifiques et ingénieurs travaillant sur le projet Manhattan ont adressé une pétition au président américain Harry Truman contre l'utilisation de la nouvelle bombe atomique:

Une pétition au président des États-Unis

«Des découvertes dont le peuple des États-Unis n'a pas connaissance peuvent affecter le bien-être de cette nation dans un proche avenir. La libération de la puissance atomique qui a été réalisée place les bombes atomiques entre les mains de l'armée. Il met entre vos mains, en tant que commandant en chef, la décision fatidique de sanctionner ou non l'utilisation de ces bombes dans la phase actuelle de la guerre contre le Japon.

Nous, les scientifiques soussignés, travaillons dans le domaine de l'énergie atomique. Jusqu'à récemment, nous avons dû craindre que les États-Unis ne soient attaqués par des bombes atomiques pendant cette guerre et que sa seule défense ne soit une contre-attaque par les mêmes moyens. Aujourd'hui, avec la défaite de l'Allemagne, ce danger est évité et nous nous sentons poussés à dire ce qui suit:

La guerre doit être rapidement menée à bien et les attaques par bombes atomiques peuvent très bien être une méthode efficace de guerre. Nous pensons cependant que de telles attaques contre le Japon ne pourraient être justifiées, du moins pas, à moins que les conditions qui seront imposées après la guerre contre le Japon ne soient rendues publiques en détail et que le Japon n’ait eu la possibilité de se rendre.

Si une telle annonce publique donnait l'assurance aux Japonais qu'ils pourraient espérer une vie consacrée à des poursuites pacifiques dans leur patrie et si le Japon refusait toujours de capituler, notre nation pourrait alors, dans certaines circonstances, se trouver obligé de recourir à l'utilisation de l'atome. bombes. Cependant, une telle démarche ne doit à aucun moment être franchie sans prendre sérieusement en considération les responsabilités morales qui en découlent.

Le développement de l'énergie atomique fournira aux nations de nouveaux moyens de destruction. Les bombes atomiques dont nous disposons ne représentent que le premier pas dans cette direction, et il n'y a presque aucune limite à la puissance destructrice qui deviendra disponible au cours de leur développement futur. Ainsi, une nation qui crée un précédent en utilisant ces forces de la nature nouvellement libérées à des fins de destruction peut devoir assumer la responsabilité d'ouvrir la porte à une ère de dévastation à une échelle inimaginable.

Si après cette guerre on laisse se développer dans le monde une situation qui permet à des puissances rivales d'être en possession incontrôlée de ces nouveaux moyens de destruction, les villes des États-Unis ainsi que les villes d'autres nations seront en danger continu annihilation. Toutes les ressources des États-Unis, morales et matérielles, devront peut-être être mobilisées pour empêcher l'avènement d'une telle situation mondiale. Sa prévention est actuellement de la responsabilité solennelle des États-Unis - soulignés en raison de son avance dans le domaine de l'énergie atomique.

La force matérielle supplémentaire que cette avance donne aux États-Unis s'accompagne de l'obligation de retenue et si nous violions cette obligation, notre position morale serait affaiblie aux yeux du monde et à nos propres yeux. Il nous serait alors plus difficile d’assumer notre responsabilité de maîtriser les forces de destruction non relâchées.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, adressons respectueusement… Premièrement, que vous exerciez votre pouvoir en tant que commandant en chef, pour décider que les États-Unis ne recourront pas à l'utilisation de bombes atomiques dans cette guerre à moins que les conditions qui seront imposées au Japon ont été rendues publiques en détail et le Japon, connaissant ces conditions, a refusé de se rendre. Deuxièmement, dans un tel cas, la question de savoir s'il faut ou non utiliser des bombes atomiques soit décidée par vous, à la lumière des considérations présentées dans cette pétition, ainsi que de toutes les autres responsabilités morales impliquées.

[Signé par Leo Szilard et 69 autres]